La montée en puissance récente des plateformes de jeu en streaming est porteuse d’espoir, avec des services abordables qui permettent de se connecter au Cloud, d’accéder à des jeux que vous possédez déjà sur plusieurs vitrines et d’y jouer sur n’importe quel type d’appareils Windows, Mac ou Android. Mais un nouveau protagoniste dans ce secteur pourrait perdre son attrait et ses jeux alors que les éditeurs très influents quittent le nouveau service de streaming de jeux.
NVIDIA a officiellement lancé son offre de service de Cloud Gaming plus tôt en février, et tout portait à croire que GeForce Now pourrait bien secouer la concurrence qui commence à être rude dans le domaine. Mais à peine un mois que le service est lancé, GeForce Now perd petit à petit les meilleurs titres joués sur sa plateforme. En effet, après les départs de deux éditeurs très influents en l’espace de deux semaines, c'est Hinterland Games qui a décidé de retirer son jeu du service de Cloud gaming. Et après ce troisième départ, on commence à mieux comprendre les raisons qui poussent les éditeurs à retirer leurs jeux.
Pour jouer sur GeForce Now, l’utilisateur doit posséder une copie numérique du jeu auquel il voudrait jouer dans une vitrine populaire comme EPIC, Battle.net, Bethesda Launcher, uPlay ou Steam, ce qui fait essentiellement de ce service de NVIDIA un agrégateur des principales plateformes de distribution. Après une longue phase de bêta pour éprouver la qualité de son service et ses serveurs, GeForce Now a été lancé avec une formule Free permettant essentiellement de tester l’infrastructure de jeu en streaming et une formule Founders (pour 5 $ par mois) qui permet à ceux qui sont souscrits de profiter des derniers jeux vidéo compatibles avec la technologie Ray Tracing mise en avant par le fabricant de GPU.
« NVIDIA ne nous a pas demandé la permission de mettre le jeu sur la plateforme »
Contrairement aux services concurrents comme Google Stadia, GeForce Now permet à quiconque de réinstaller ses jeux sur une machine virtuelle et d'y jouer en utilisant sa plateforme de jeu en ligne. Cela ne convient pas à certains éditeurs et développeurs de jeux, notamment Raphael van Lierop, le directeur et auteur du jeu The Long Dark, un succès indépendant de sa société Hinterland Studio. Lierop a lui-même annoncé le week-end dernier sur Twitter la nouvelle du retrait du jeu, en expliquant assez clairement d'où provenait le souci.
« Désolé pour ceux qui sont déçus de ne plus pouvoir jouer à The Long Dark sur GeForce Now. NVIDIA ne nous a pas demandé la permission de mettre le jeu sur la plateforme, nous leur avons donc demandé de le retirer. Veuillez adresser vos plaintes à NVIDIA, pas à nous. Les développeurs devraient pouvoir contrôler où leurs jeux sont proposés », a expliqué ainsi Raphael van Lierop.
Il semblerait donc que NVIDIA ait proposé certains jeux sur sa plateforme, sans même demander le consentement des développeurs, et Lierop est mécontent que The Long Dark ait été inclus dans la version payante de GeForce Now sans son autorisation explicite. Il semble que cette même préoccupation ait poussé Activision Blizzard et Bethesda à retirer leurs jeux de la plateforme. Toutefois, la raison du retrait des jeux des deux compagnies n’est pas encore claire, aucun de ces deux éditeurs n'ayant explicitement indiqué pourquoi ils ont cette décision.
Les développeurs n'ont pas parlé longuement des litiges, se contentant de vagues déclarations, ce qui laisse supposer que les retraits pourraient être dus à l'absence de partage des revenus ou au fait que les éditeurs de gros jeux préfèrent faire payer leurs clients une seconde fois pour une licence séparée pour jouer à un jeu sur un service de jeu en ligne, quelle que soit sa structure. Google Stadia, par exemple, fait payer les clients pour les jeux même si vous les possédez déjà sur Steam, et beaucoup de grands éditeurs ont signé dans ces conditions.
Van Lierop, qui est le premier développeur à s'être lancé publiquement dans la controverse GeForce Now, a jouté un jour après : « Le monde d'aujourd'hui devient complexe pour les développeurs, avec de nombreux changements de plateformes et des passages au streaming, de sorte que les développeurs doivent être en mesure de planifier une stratégie pour savoir comment leurs jeux apparaîtront et où, comme moyen de gérer une entreprise. Toutes les plateformes reconnaissent cela ». Il a aussi dit que Hinterland reconsidérerait la possibilité de mettre The Long Dark sur GeForce Now à l'avenir, mais pour l'instant, il n'aime pas la situation actuelle, d’après le fil de discussion que Lierop a lancé sur Twitter.
Nvidia aurait-il besoin d'une autorisation de la part des développeurs pour rendre disponibles sur une machine virtuelle des jeux qu'un client possède déjà ?
Alors que GeForce Now a été en version bêta pendant plus d’un an, les retraits des jeux vidéo interviennent maintenant que la plateforme fait payer les utilisateurs pour jouer leurs jeux sur ses machines virtuelles. Les arguments de Lierop ont semé la confusion chez de nombreux observateurs – en particulier chez ceux qui utilisent actuellement ou envisagent d'utiliser GeForce Now –, qui se demandent pourquoi un développeur de jeux pourrait-il dicter le matériel sur lequel ses jeux sont joués, et pourquoi NVIDIA aurait-il besoin d'une autorisation pour rendre disponibles sur une machine virtuelle des jeux qu'un client a déjà achetés sur une autre vitrine ?
La controverse lancée par le développeur a deux aspects : l'un en faveur des développeurs et les éditeurs de jeux et l'autre en faveur du client. En ce qui concerne les premiers, le problème se pose au niveau de la licence des jeux numériques. En effet, un jeu numérique est une licence d'utilisation d'un bien virtuel d'une manière stipulée par des accords de licence, à la fois du fabricant du jeu et du marché qui le vend, en l'occurrence Steam. Et une licence pour jouer à un jeu ne signifie pas qu'une autre société peut la redistribuer, même si vous avez personnellement acheté la licence.
C'est ce qui semble se passer avec GeForce Now, qui fait payer mensuellement les utilisateurs pour jouer à leurs jeux favoris sur son infrastructure de streaming de jeux. Le problème avec ce nouveau modèle de distribution est précisément la raison pour laquelle Steam gère son programme PC Café, un service de licences en gros pour que les cafés de jeux puissent acquérir les droits d'hébergement de logiciels que ses clients ont déjà payés. C'est également la raison pour laquelle de nombreux développeurs choisissent d'utiliser leurs propres PC Game launchers ; ce faisant, ils sont libres de contrôler encore plus étroitement la manière dont le jeu est distribué. C'est important pour des choses comme le piratage, la violation des droits d'auteur et la tricherie, mais aussi pour protéger la propriété intellectuelle contre une redistribution que l'entreprise n'aime pas.
NVIDIA ne devrait pas être surpris par ce qui se passe, mais seulement que la société s'attendait à ce que ces suppressions de jeux soient « peu nombreuses et espacées », d’après un billet de blog publié en février. NVIDIA a écrit dans son blog : « À l'approche d'un service payant, certains éditeurs peuvent choisir de retirer des jeux avant la fin de la période d'essai. En fin de compte, ils conservent le contrôle de leur contenu et décident si le jeu que vous achetez inclut le streaming sur GeForce Now ». La société reconnait le droit des développeurs de choisir de participer ou non.
Du point de vue du consommateur, la controverse soulève une question qu’a posée un commentateur sur Twitter, « Je voudrais demander pourquoi un studio devrait être autorisé à me dicter où je suis autorisé à installer et à jouer à un jeu que j'ai acheté ». Il a ajouté en disant que « Sommes-nous en train d'envisager que les jeux soient exclusifs au matériel à l'avenir ? »
Il est sans aucun doute beaucoup plus convivial de laisser quelqu'un jouer à un jeu qu'il a déjà acheté sur l'écran de son choix. En voyant les choses sous cet angle, NVIDIA n'aurait pas besoin d'autorisation et les développeurs ne s'y opposeraient pas, de sorte que les jeux en nuage ne seraient qu'une nouvelle façon d'apprécier les jeux que le client a déjà achetés.
Mais cet argument implique également que des choses comme le piratage n'existent pas, ou que les entreprises ne cherchent jamais à profiter les unes des autres ou n'essaient pas de chasser leurs concurrents du marché. Aussi si les développeurs ne gardent pas un contrôle étroit sur leur propriété intellectuelle et sur la façon dont elle est distribuée, ils perdront la capacité de contrôler leur affaire. Cela fait peur aux créateurs dont le bien-être financier est déterminé par le nombre de copies qu'ils vendent. Même si l’utilisateur voulait être libre de jouer où il veut, il ne souhaiterait pas non plus voir un développeur fait faillite parce qu'il ne peut vendre qu'un nombre limité d'exemplaires de Steam - en raison du jeu en nuage le rendant disponible partout ailleurs gratuitement.
Les jeux en nuage promettent de rendre n'importe quel logiciel de jeu disponible à tout moment sur n'importe quel écran, et cela reste une perspective très passionnante. Mais elle est très complexe sur le plan économique, et la seule façon d'y parvenir est de négocier et de faire en sorte que les consommateurs et les fournisseurs de plateformes comprennent les enjeux.
NVIDIA s’est excusé auprès des développeurs : « Ils nous ont offert une carte graphique gratuite en guise d'excuse, alors peut-être qu'ils vous offriront la même chose », a écrit Lierop dans son fil de discussion. A la question d’un utilisateur de Twitter de savoir si les développeurs de jeux accepteraient si NVIDIA avait demandé la permission, Lierop a répondu : « Eventuellement ? Mon principal problème est de ne pas être demandé, et l'hypothèse que nous n'avons pas besoin qu'on nous le demande ».
Reste à savoir maintenant si NVIDIA parviendra à regagner la confiance des éditeurs comme Activision-Blizzard et Bethesda – mais aussi d'autres qui ne sont pas encore sur la plateforme, comme Capcom et Square-Enix –, ou si le groupe va payer le fait d'avoir oublié certaines règles élémentaires du milieu en ce qui concerne la négociation.
Sources : Fil de discussion de Van Lierop, Blog Nvidia
Et vous ?
Qu’en pensez-vous ?
Que pensez-vous des arguments de Van Lierop pour retirer The Long Dark de GeForce Now ?
Selon vous, Nvidia devrait demander la permission aux développeurs avant de lancer GeForce Now en mode payant ?
Selon vous, la plateforme GeForce Now constitue-t-elle une réelle menace pour les développeurs et éditeurs de jeux vidéo ?
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Le , par Stan Adkens
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