L’interdiction aux adolescents de moins de 18 ans de jouer à des jeux vidéo pendant plus de trois heures par semaine se répercute sur les plateformes de jeux vidéo. Le régulateur leur impose de ne proposer des jeux en ligne aux mineurs que de 20 heures à 21 heures les vendredis, week-end et jours fériés. Le tableau fait suite à une sortie du président Xi Jinping sur la question de la dépendance aux jeux chez les jeunes Chinois.
En droite ligne avec ces mesures, le régulateur chinois poursuit avec le toilettage de la liste des nouveaux jeux vidéo approuvés selon des critères qui permettent au pays de renforcer le contrôle de sa société et des secteurs clés de son économie, notamment la technologie, l'éducation etc. Environ 14 000 petits studios et entreprises qui opèrent dans la filière du jeu vidéo en Chine ont mis la clé sous la porte au cours des derniers mois en raison de cette situation.
Les mesures chinoises arrivent dans un contexte mondial de débats sur la question de savoir si l’addiction aux jeux vidéo doit être considérée comme une pathologie. En 2009, en Corée du Sud, un couple accro au jeu de rôle en ligne Prius (qui impose de prendre soin de personnages virtuels) a laissé mourir de faim son bébé de trois mois né prématurément, car les deux parents étaient trop occupés à nourrir leurs personnages virtuels. En 2010, c’est un jeune sud-coréen de 32 ans qui a trouvé la mort après avoir joué sur internet environ cinq jours sans arrêt. En 2014, un jeune sud-coréen de 22 ans a été incarcéré pour avoir laissé mourir de faim son fils de 2 ans alors qu’il était préoccupé à passer son temps à jouer aux jeux en ligne. En 2015, un jeune Chinois s’est tranché la main pour en finir avec son addiction à internet. C’est pour autant de raisons que l’OMS a pris position en classant l’addiction aux jeux vidéo comme une maladie au même titre que des troubles comme celui de l’addiction à la cocaïne.
Le débat porte désormais sur l’inclusion du trouble de jeu vidéo dans la Classification internationale des maladies (CIM). La première caractéristique à l’addiction aux jeux vidéo retenue par l’OMS est que les sessions de jeu prennent le pas sur les autres activités à tel point qu’elles sont négligées. Le deuxième aspect de cette addiction concerne la perte de contrôle sur le jeu. Un troisième trait fait que ce trouble mène à une détresse accrue et une détérioration des fonctions que ça soit au niveau personnel, familial, social, éducationnel ou professionnel.
Tout le monde n'est pas d'accord
Anthony Bean, un psychologue et directeur au sein du “The Telos Project”, une clinique de santé mentale à Fort, s’oppose catégoriquement à cette inclusion du trouble de jeu vidéo dans la Classification internationale des maladies (CIM)
« C’est un peu prématuré de qualifier ceci en tant que diagnostic, » a dit Bean. « Je suis clinicien et chercheur, alors je vois des gens jouer à des jeux vidéo et croient qu’ils ont une addiction. » En réalité selon lui, ils utilisent le gaming en tant que mécanisme d’adaptation à la l’anxiété ou bien la dépression. Il a ajouté que quand cette anxiété et dépression sont traitées, l’intensité du gaming diminue de façon significative.
Les critères utilisés par l’OMS pour définir le trouble de jeu dans le CIM sont « trop vagues, » dit-il, et les versions modérées ou sévères du trouble n’ont pas été déterminées de façon adéquate. « Diagnostiquer un patient avec l’addiction de jeux vidéo sera alors sur l’expérience très subjective des médecins, » dit-il.
« Et même la plupart des médecins seraient d’accord qu’ils ne comprennent pas le concept des jeux vidéo, car ils ne sont pas immergés dans ce monde ou cette expérience, » dit-il. Pour Anthony Bean, « le diagnostic CIM n’est pas informé de façon appropriée », puisque la plupart des médecins et tout le champ de santé mentale ne comprennent pas la population du gaming.
Quelqu’un qui joue à “Minercraft” sera complètement différent de quelqu’un d’autre qui joue à “World of Warcraft,” dit-il. « Ce sont deux genres très différents. » Le premier constitue “une interaction sociale en ligne,” le second est plus “un mécanisme de survie cosmique.”
« Si nous arrivons à comprendre quels genres sur lesquels gravite chaque personne, cela nous informe quelle personne ils sont et pourquoi ils choisissent ça, » a dit Bean. Ensuite, les médecins peuvent recommander un nouveau jeu pour diriger le joueur vers un comportement plus sain. Pour les parents, Bean pense qu’il devrait se demander en premier lieu pourquoi leurs enfants s’intéressent à un jeu en particulier.
Finalement, Bean ne dit pas que l’addiction aux jeux vidéo n’existe pas, mais il pense que ce n’est pas vraiment une bonne idée de la classer en tant que maladie, « ça ouvre vraiment la porte à tout considérer en tant que maladie. » Trop regarder des matchs de foot, faire trop de recherche, pourraient être considérés comme des comportements addictifs si les professionnels de la santé mentale n’insistent pas à s’appuyer sur des études rigoureuses.
Source : scmp
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