
L’éditeur veut que les gamers s’habituent à ne pas posséder des copies physiques mais des licences
L'initiative Stop Killing Games mène une campagne pour convaincre l'Union européenne de déterminer si les éditeurs de jeux vidéo peuvent légalement rendre des titres en ligne définitivement inutilisables. Alors que les éditeurs s'y opposent et que le PDG d'Ubisoft aborde la question, le débat central se résume à savoir si les jeux en ligne sont des médias dont les gamers ont le droit de conserver des copies ou des services auxquels les fournisseurs peuvent de mettre un terme sans notification.
Le PDG d'Ubisoft, Yves Guillemot, s'est récemment immiscé dans la controverse concernant la désactivation des jeux en ligne à la fin de leur cycle de vie. Il a souligné les efforts déployés par l'entreprise pour résoudre ce problème, tout en suggérant que les joueurs ne devraient jamais s'attendre à avoir un accès perpétuel à ces titres. « Vous fournissez un service, mais rien n'est gravé dans le marbre, et à un moment donné, ce service peut être interrompu. Rien n'est éternel », a-t-il déclaré.
La bataille juridique autour du titre The Crew a donné à Ubisoft l’occasion de préciser à nouveau sa position à ce sujet
La défense juridique de la société affirme que les joueurs n'achètent pas les jeux directement, mais acquièrent plutôt des licences susceptibles d'être résiliées à la discrétion d'Ubisoft.
La démarche de l'éditeur de jeux fait suite aux critiques suscitées par la décision d'Ubisoft de révoquer l'accès à The Crew, rendant le jeu injouable depuis le 1er avril 2024. Bien qu'annoncée précédemment, cette décision a suscité de vives réactions négatives, de nombreux joueurs ayant affirmé avoir perdu l'accès à leurs licences de lancement de jeu via Ubisoft Connect.
Face à la frustration croissante, des gamers canadiens ont lancé une pétition pour demander qu'un jeu vidéo qui requiert une connexion aux serveurs d'un éditeur reste fonctionnel en fin de vie. L'initiative, présentée au Parlement canadien en mai 2024, appelle à une législation stipulant que lorsque le support côté serveur d'un logiciel est interrompu, les entreprises doivent maintenir le produit dans un état fonctionnel et supprimer les connexions obligatoires à des serveurs.
Le nouveau CLUF d’Ubisoft oblige justement les gamers à détruire leurs jeux et l’éditeur peut le résilier à tout moment
Selon le nouveau contrat CLUF, les joueurs ont désormais la responsabilité de détruire leurs jeux. Vous pouvez vous dire à juste titre : « Pourquoi dois-je détruire quelque chose que j'ai payé ? » Mais le problème est que, comme c'est le cas pour de nombreuses boutiques de jeux aujourd'hui, vous n'achetez plus vraiment le jeu. Vous achetez simplement une licence pour jouer au jeu, sous réserve des conditions fixées par le vendeur. Même Steam, peut-être la vitrine la plus populaire sur PC, a récemment ajouté une déclaration à sa page de paiement précisant que vous n'êtes pas propriétaire de votre bibliothèque Steam.
Le nouveau CLUF d'Ubisoft comporte plusieurs points sensibles, mais la section relative à la "résiliation" se lit comme suit : "Vous et Ubisoft (ou ses concédants de licence) pouvez résilier le présent CLUF, à tout moment, pour quelque raison que ce soit... En cas de résiliation pour quelque raison que ce soit, Vous devez immédiatement désinstaller le Produit et détruire toutes les copies du Produit en votre possession." Le CLUF décrit trois scénarios possibles de résiliation : A, Ubisoft vous envoie une notification ; B, votre compte Ubisoft est résilié ; ou C, Ubisoft décide d'interrompre ou de cesser de soutenir le produit.
La situation s’étend au-delà de la sphère des jeux vidéo en ligne
À l'époque des VHS, des DVD et des Blu-ray, lorsqu'une personne achetait un film dans un magasin, il lui appartenait tant qu'il était lisible. Et même à l'ère numérique, avant la diffusion en continu, les gens pouvaient - et peuvent encore généralement - acheter des fichiers de films, d'émissions de télévision et de musique. À l'exception des verrous de gestion des droits numériques placés par certaines entreprises sur ces fichiers, vous pouviez généralement continuer à les lire tant que vous disposiez d'un lecteur capable de les lire. Aujourd'hui, à l'ère du streaming, la propriété est largement soumise aux conditions générales que les gens ne lisent souvent pas.
De telles dispositions sont assez courantes dans les entreprises technologiques. Les clients peuvent louer ou acheter des films par l'intermédiaire d'Amazon Prime, et les conditions d'utilisation de l'entreprise stipulent que le contenu « restera généralement disponible pour le téléchargement ou la lecture en continu ... mais peut devenir indisponible ... Amazon ne sera pas responsable envers vous. »
L'application iTunes d'Apple, qui permet aux utilisateurs de télécharger les fichiers qu'ils ont achetés, contient une clause similaire et indique que, même s'il est peu probable que le contenu devienne indisponible, les utilisateurs doivent « s'assurer de pouvoir continuer à profiter du contenu » en téléchargeant tous les achats sur un appareil et en effectuant des sauvegardes.
C’est la raison pour laquelle des gamers lancent des pétitions pour demander qu'un jeu vidéo qui requiert une connexion aux serveurs d'un éditeur reste fonctionnel en fin de vie. Cela fait suite à plusieurs constats :
- un nombre croissant d'entreprises exigent une connexion Internet constante directement à l'éditeur pour que leurs jeux vidéo soient jouables ;
- lorsque les entreprises mettent fin au support de ces jeux, elles rendent souvent toutes les copies achetées injouables, une pratique qui n'est pas courante avec les jeux traditionnels ;
- les entreprises peuvent mettre en œuvre l'obsolescence planifiée en retenant des composants essentiels et en empêchant ainsi les consommateurs de réparer leurs copies de jeux ;
- cette situation prive les consommateurs de leurs droits de propriété fondamentaux tout en empêchant les efforts de restauration et de préservation de leurs jeux.
Et vous ?


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