Unity Technologies, la société derrière le moteur de jeu multiplateforme Unity, a annoncé un nouveau modèle de tarification mardi. La nouvelle structure de paiement de Unity lie des frais aux installations de jeux, lorsque le code Unity Runtime est démarré sur l’appareil d’un joueur, plutôt qu’un modèle de partage des revenus.
Unity a ensuite expliqué en détail le fonctionnement de ce nouveau programme, mais voici l'essentiel : pour qu'un jeu soit éligible à ces nouveaux frais, il doit atteindre un seuil de revenus et de téléchargement spécifique qui change en fonction du niveau d'abonnement Unity pour lequel un développeur paie. Ces frais sont ensuite répartis en fonction de l'endroit où le jeu est acheté, ce qui signifie qu'un jeu acheté aux États-Unis, au Royaume-Uni et sur d'autres marchés « standards » se voit imposer des frais plus élevés que lorsqu'il est acheté sur des marchés « émergents » comme l'Inde ou la Chine.
Suite à cette annonce, la société s'est attirée les foudres de la communauté des développeurs de jeux vidéo sur les réseaux sociaux.
Unity : nous pouvons faire ce que nous voulons
Unity indique que sa nouvelle structure tarifaire ne s'appliquera à aucune installation de jeu effectuée avant l'entrée en vigueur de la structure nouvellement annoncée le 1er janvier. Mais dans une FAQ, la société suggère que les jeux sortis avant 2024 seront redevables de frais sur toute installation ultérieure faite après l’entrée en vigueur des nouvelles règles :
Envoyé par FAQ Unity
Cela pourrait être surprenant pour les développeurs qui ont publié un jeu Unity, disons, en 2015, lorsque le PDG d'Unity, John Riccitiello, vantait publiquement les plans d'abonnement « pas de redevances, pas de conneries » de Unity. Désormais, même les développeurs qui ont payé 1 500 $ pour une « licence perpétuelle » pour Unity à l'époque pourraient théoriquement être soumis à des frais supplémentaires par installation à partir de l'année prochaine (à condition que leur jeu génère toujours suffisamment de revenus et d'installations).
En clair, ce changement s’appliquera même aux jeux qui ont été lancés ou développés sous des conditions différentes, ce qui remet en question la légalité et l’éthique de cette décision.
Unity se défend en affirmant que ses conditions d’utilisation lui permettent d’ajouter ou de modifier les frais à tout moment, et qu’elle fournit plus de trois mois de préavis avant que la redevance ne prenne effet. Ajoutant : « Le consentement n’est pas requis pour que des frais supplémentaires prennent effet, et la seule version de nos conditions est la version la plus récente ; vous ne pouvez tout simplement pas choisir de vous conformer à une version antérieure. De plus, nos conditions sont régies par la loi californienne, quel que soit le pays du client ».
Mais cette argumentation ne convainc pas tout le monde. Certains avocats spécialisés dans l’industrie du jeu vidéo ont souligné que les conditions d’utilisation de Unity comportent des clauses contradictoires et confuses qui pourraient laisser une marge de manœuvre pour des poursuites judiciaires.
Les contradictions d'Unity à travers le temps
D'une manière générale, les accords juridiques généraux signés par tous les développeurs Unity confortent dans une certaine mesure la position de l'entreprise. Au moins dès 2013, le CLUF (contrat de licence utilisateur final) d'Unity incluait une clause générale stipulant que la société « peut modifier ou résilier la durée de l'abonnement ou d'autres offres de licence logicielle à tout moment ».
Mais ce langage simple « nous pouvons changer ce que nous voulons » est devenu un peu plus compliqué début 2019. À cette époque, Unity était pris dans une autre controverse sur un changement de conditions de service (ToS), celle-ci impliquant une nouvelle clause qui apparemment a interdit le populaire kit de développement multijoueur basé sur le cloud SpatialOS.
Alors que Unity a finalement réglé le problème avec Improbable, le créateur de SpatialOS, la communauté des développeurs craignait à juste titre que les futures modifications des ToS puissent avoir un impact sur leurs projets. Pour calmer le jeu, Unity a annoncé un nouvel « engagement à être une plateforme ouverte » qui comprenait une protection importante contre tout changement soudain de ToS. Comme l'a écrit la société dans le billet de blog d'annonce : « Lorsque vous obtenez une version d'Unity et ne mettez pas à niveau votre projet, nous pensons que vous devriez pouvoir vous en tenir à cette version du ToS ».
Sur une page GitHub créée par Unity pour suivre ce type de modifications des conditions de service, cette promesse a été traduite en jargon juridique (l'emphase a été mise pour pouvoir identifier directement les éléments qui nous intéressent) :
Unity peut mettre à jour les présentes Conditions supplémentaires du logiciel Unity à tout moment, pour quelque raison que ce soit et sans préavis (les « Conditions mises à jour ») et ces Conditions mises à jour s'appliqueront à la version la plus récente de l'année en cours du Logiciel Unity, à condition que, si les Conditions mises à jour ont un impact négatif sur vos droits, vous pouvez choisir de continuer à utiliser toutes les versions de l'année en cours du logiciel Unity (par exemple, 2018.x et 2018.y et toutes les versions prises en charge à long terme (LTS) pour cette version de l'année en cours) conformément aux conditions qui s'appliquaient juste avant les Conditions mises à jour (les « Conditions antérieures »)
À première vue, cette section semble suggérer qu'un jeu sorti avant l'entrée en vigueur des nouvelles conditions d'Unity pourrait rester fidèle à l'ancienne ToS sans frais d'installation qui existait au moment de la sortie du jeu. Le seul problème potentiel surviendrait si vous souhaitiez mettre à jour le projet vers une version ultérieure d'Unity ; dans ce cas, comme l'indiquent les conditions d'utilisation, « votre utilisation de toute nouvelle version du logiciel sera soumise aux conditions mises à jour applicables à cette version ».
De plus, cette version 2019 des ToS incluait explicitement un « droit non exclusif, non transférable et libre de droits » pour « distribuer le Runtime Unity en tant que partie intégrée de vos projets » sous certaines conditions générales. Cela semblerait interdire le type de « frais d'exécution Unity » que la société prévoit bientôt de facturer pour les installations de jeux Unity, du moins pour les anciens projets non mis à jour qui décident de s'en tenir à l'ancienne ToS.
Les clauses « conserver votre ancien ToS » et « exécution libre de droits » ont continué à apparaître dans les « Conditions d'utilisation du logiciel d'édition » de Unity jusqu'à une mise à jour du 23 octobre 2022, suggérant que les projets non mis à jour réalisés sur Unity 2022.x et Unity 2021.x LTS (ou version antérieure) pourrait être en mesure de conserver la structure juridique gratuite sous laquelle elle a été construite. Mais ensuite, sans préavis, une mise à jour des ToS du logiciel Editor d’avril 2023 a entièrement supprimé cette soupape de sécurité.
Une note en haut de cette version d'avril mentionne que la nouvelle version inclut une mise à jour d'une section sur la « modification des termes ». En pratique, cette « mise à jour » signifiait que la clause « conserver vos anciennes conditions de service » introduite en 2019 était simplement supprimée en bloc et non remplacée. De plus, la clause de « distribution d'environnement d'exécution sans redevances » a été mise à jour pour indiquer qu'une telle distribution était « soumise au paiement des frais applicables », jetant ainsi les bases juridiques de l'annonce des frais d'installation de cette semaine.
La mise à jour d'avril 2023
La mise à jour d'avril est une mauvaise nouvelle pour les développeurs qui ont utilisé depuis lors sans le savoir la dernière version de l'éditeur Unity, se soumettant apparemment aux nouvelles règles dans le processus. Mais les projets créés sous d'anciennes versions de l'éditeur (et des conditions d'utilisation) peuvent toujours être protégés par l'ancienne clause « conserver vos ToS », n'est-ce pas ?
Malheureusement, ce n'est pas si simple. En effet, les conditions d'utilisation du logiciel Unity Editor complètent un document plus large sur les conditions d'utilisation de Unity qui s'applique à tous les utilisateurs des produits et services de Unity.
Envoyé par Unity
« Votre utilisation continue de ce logiciel et/ou du service de développeur après la date d'entrée en vigueur d'une telle modification signifie que vous acceptez ces modifications, le cas échéant », indique la version mise à jour des conditions d'utilisation.
Sources : FAQ Unity, contrat de licence utilisateur final Unity 2013, Unity et sa promesse de 2019, page GitHub, mise à jour ToS (octobre 2022, avril 2023)
Et vous ?
Que pensez-vous de la décision de Unity de facturer une redevance par installation pour les jeux qui utilisent son moteur ?
Quel impact cette décision pourrait-elle avoir sur l’industrie du jeu vidéo, notamment sur les petits studios indépendants et les jeux à faible budget ?
Quelle lecture faites-vous de l'évolution des conditions d'utilisation de Unity dans le temps ? Pensez-vous que les clauses confuses et contradictoires peuvent donner lieu à des procès ?