C'est dans ce contexte que de tels témoignages anonymes d'employés ou d'ex-employés d'Ubisoft sont apparus sur Twitter, visant des cadres des studios de Toronto et Montréal, mais aussi au Brésil, en Bulgarie et aux États-Unis, et concernant parfois des faits remontant à plusieurs années. Pour y faire face, le PDG de l'éditeur de jeux vidéo français avait promis des « changements structurels » et l'entreprise a annoncé l'ouverture d'une enquête le 26 juin 2020. Dans un communiqué diffusé dans la nuit de samedi à dimanche 12 juillet 2020, le groupe a annoncé le départ de plusieurs hauts responsables.
« Ubisoft a annoncé aujourd’hui des changements importants au niveau de sa direction. Ces changements font partie intégrante du travail global mené par la Société pour améliorer et renforcer sa culture d’entreprise », énonce le communiqué. « Les départs annoncés aujourd’hui font suite à un examen rigoureux que la société a mené en réponse aux récentes allégations et accusations de mauvaise conduite et de comportements inappropriés. »
Précisément, le numéro deux de l’entreprise « Serge Hascoët a choisi de démissionner de son poste de chief creative officer [directeur de la création], avec effet immédiat. Ce rôle sera assumé dans l’intérim par Yves Guillemot, PDG d’Ubisoft », a souligné l’entreprise. Entré chez Ubisoft en 1988, deux ans après la création du groupe, Serge Hascoët occupait le poste de directeur créatif de la firme depuis vingt ans. Il a fortement contribué à faire du Français un poids lourd mondial du jeu vidéo avec une présence dans 30 pays et plus de 18 000 salariés.
Il faut dire que les enquêtes dans lesquelles de nombreux employés et ex-employés ont dénoncé des faits de sexisme, homophobie, harcèlement sexiste et sexuel, tentative d’agression sexuelle, qui n’auraient pas été pris au sérieux par certains managers et RH de la société, ont fusé sur la toile depuis peu. Serge Hascoët, directeur créatif très reconnu dans le monde du jeu vidéo, considéré comme le bras droit du PDG Yves Guillemot, était notamment mentionné à de nombreuses reprises comme ayant fermé les yeux, voire encouragé cet environnement.
Jason Schreier, Video game reporter pour le compte de Bloomberg News
Serge Hascoët (directeur créatif et considéré comme le numéro 2 de l’entreprise), Yannis Mallat (directeur des studios Ubisoft au Canada) et Cécile Cornet (directrice Monde des RH) ont tous les trois démissionné de leur poste. Tout comme Serge Hascoët, Yannis Mallat quitte l’entreprise, et non pas seulement son poste. Seule Cécile Cornet a uniquement démissionné de son poste, et non de l’entreprise.
« Yannis Mallat, dirigeant des studios canadiens d'Ubisoft, quitte ses fonctions et la Société avec effet immédiat. Les récentes allégations apparues au Canada à l'encontre de nombreux salariés ne lui permettent pas de continuer à assurer ses responsabilités », a détaillé l'entreprise. En outre, « Ubisoft va nommer un nouveau responsable monde des ressources humaines, en remplacement de Cécile Cornet, qui a décidé de démissionner de ce poste, et ce, dans l'intérêt de l'unité du groupe ».
« Ce n'est pas acceptable. Tout comportement toxique est en opposition totale avec les valeurs avec lesquelles je n'ai jamais transigé et avec lesquelles je ne transigerai pas », a affirmé le dirigeant. Yves Guillemot « supervisera personnellement une refonte complète du mode de collaboration des équipes créatives », a promis Ubisoft
« Alors que nous nous engageons collectivement à construire un Ubisoft meilleur, j’attends de tous les managers du groupe qu’ils accompagnent leurs équipes avec le plus grand respect », a appuyé Yves Guillemot.
L'entreprise, qui compte 18 000 salariés dans le monde, dont 22% de femmes, « a également décidé de restructurer et renforcer la fonction » ressources humaines et va faire « auditer et améliorer ses procédures et politiques » en la matière, a-t-elle assuré. Nombreux témoignages Les départs de Serge Hascoët et Cécile Cornet avaient été réclamés samedi par la section syndicale Solidaires Informatique d'Ubisoft, dans un tract en ligne reprenant des témoignages d'employés parus en particulier dans l'édition de samedi du quotidien français Libération.
Ce lundi, le cours de l'enseigne française du jeu vidéo a décroché de plus de 5 %, en début d'après-midi à la Bourse de Paris. Ce qui représente un recul de près de 500 millions d'euros de la capitalisation boursière du groupe tricolore. « Ces événements contribuent à la baisse du cours de Bourse aujourd'hui », note Charles-Louis Planade analyste financier jeu vidéo chez Midcap partners. « Mais le point majeur de cette chute est dû aux annonces de dimanche qui ont déçu les investisseurs et les joueurs », estime-t-il.
Source : Ubisoft
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