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Making-of de Outcast


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I. Outcast

Outcast est un jeu ambitieux d'aventure-action. Il se distingue par sa technologie unique « volumétrique Pixel » et son scénario passionnant. Il a été développé par Appeal (notre entreprise) et commercialisé en 1999 par Infogrames dans le monde entier.

II. Comment tout a commencé

II-A. La puissance du CPU

De retour en 1994, nous étions toujours en train de travailler chez Art & Magic, mais notre dernier jeu d'arcade a été une vraie déception.

Ces jeux supportaient de vieilles configurations et nous commençâmes à donner de nouvelles idées aux personnes s'occupant des configurations, à la fois en termes de contenu de jeu, mais aussi en termes de technologie à supporter.

La révolution 3D avait déjà commencé et nous étions bloqués avec nos sprites 2D. Nous n'avions pas beaucoup d'expérience en 3D temps réel à l'époque, mais nous savions que les graphismes des jeux utilisant des polygones étaient vraiment basiques à cause des limites du matériel, ne pouvant pas afficher suffisamment de triangles par seconde pour créer des environnements et des personnes réalistes. Nous recherchions des solutions alternatives.

Des documents traitant de la technologie de rendu à partir de pixels volumétriques, appelée voxels, pour représenter des modèles 3D, avaient été publiés. Je me souviens d'un dîner avec le personnel de la direction, avec Yves Grolet, Yann Robert et Michel Caubo parlant de méthodes pour stoker des voxels au sein d'octrees et des méthodes de lancer de rayons pour le rendu des données. Ayant la possibilité de définir de nouveaux composants maison, nous étions très motivés à l'idée de développer des composants spécialisés pour le rendu de voxels.

Notre motivation ne dura pas. À la fin, nous étions tous d'accord que le coût serait trop élevé (impossible en fait) à la fois en termes de mémoire et de puissance pour le rendu des voxels avec les technologies disponibles. Nous étions alors de retour à la case départ et Yves commençait à devenir nerveux à cause du matériel qui était incapable de suivre notre vision des jeux que nous voulions faire.

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À un moment donné l'entreprise commença à travailler sur un projet européen impliquant d'autres designers et fabricants autour de la conception d'un polygone 3D GPU. Comme avec la plupart des projets européens, chaque entreprise essaie d'obtenir le plus d'argent possible, tout en minimisant son investissement. À la fin, inutile de préciser que rien ne sort de ce désordre.

Durant ces dernières années, les CPU ont évolué à un rythme spectaculaire. À ce moment, Yves commença à se demander si du matériel dédié pourrait vraiment suivre l'évolution exponentielle de la puissance et de la flexibilité du CPU. Bien sûr, la vision était un peu biaisée, car Deltatec (la société développant le matériel) n'était pas la plus compétitive, comme le sont par exemple nVidia, ou d'autres fabricants, et je ne peux pas leur en vouloir de ne pas avoir les ressources pour faire face à un développement si important. Nous avions cependant des jeux à faire et visions à remplir.

Outre sa puissance, utiliser le CPU était vraiment tentant, car il permettait une liberté complète du pipeline de développement. Pour faire simple, vous avez un certain nombre de cycles disponibles et avec ces cycles vous pouvez faire ce que vous souhaitez. Les seules limites sont son imagination et ses compétences en programmation.

II-B. Premier prototype

Tout d'abord, nous avons eu l'idée d'un jeu 3D dans un pays sud-américain fictif, où vous, en tant que joueur, auriez à infiltrer une organisation criminelle de distributeurs de drogues avec vue à la première personne pour libérer des touristes enlevés par le dirigeant du réseau.

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Le premier modèle de Twon-Ha que j'ai modélisé était fait de surfaces Nurbs dans un alias et prérendu en sprites.

Ensuite, comme c'est souvent le cas, l'idée évolua. Nous conservâmes l'environnement naturel, mais changeâmes les personnages et l'histoire vers un univers d'aliens, qui deviendra Outcast.

Yves a eu cette idée d'une équipe voyageant à travers plusieurs univers séparés par des distances quantiques. Les objectifs prenaient forme, il était temps de démontrer le concept à travers un prototype.

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Un artwork de Twon-Ha que j'ai fait au début des années 1995.

Comme les relations entre notre équipe et celle des personnes chargées du matériel commençaient à se dégrader, nous décidâmes qu'il était mieux d'assigner le projet à une nouvelle société indépendante. L'appel d'offres était alors né, sur papier au moins. Les thèmes et les composants matériels fonderaient le prototype et posséderaient une part minoritaire importante de l'entreprise, jusqu'à ce que des fonds externes soient trouvés pour compléter le projet. Le reste des parts serait également partagé entre Yves, Yann et moi.

II-C. Incubateur

Yann et moi étions d'accord pour rester chez Art & Magic et fournir notre support pour la création de contenu pendant que Yves ferait le premier pas et s'installerait avec Philipe Zondack, un autre développeur, dans un petit bureau au sein d'un incubateur près du campus de l'université de Liège. Ils allaient travailler ici sur un moteur de rendu Voxel.

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Iwan travaillant dans notre bureau chez Art & Magic sur les premiers tests d'animation du Twon-Ha avec le logiciel Alias Power Animator.
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Ma station de travail montrant le premier Talan modélisé, fait de Nurbs et prérendu dans Alias Power Animator.

Pendant qu'ils programmaient le moteur de jeux, je travaillais sur les premières ressources graphiques. Pour satisfaire les prérequis matériels, ce n'étaient pas de vrais voxels 3D, mais une image en relief faite de carreaux de taille 128 x 128 contenant les hauteurs et couleurs. Un rayon peut alors balayer la surface pour évaluer la visibilité et dessiner les échantillons de terrain sur l'écran.

Nous avons tout d'abord travaillé sur une sorte d'escalier de champs de riz qui deviendrait plus tard Shamazaar.

Les premières tuiles du prototype que j'ai faites et qui peuvent toujours se trouver dans la région Shamazaar du jeu.

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J'ai conçu la première série des personnages aliens, incluant Talans et Twon-Ha. J'ai fait quelques modèles 3D avec Alias Power Animator (tournant sous une station de travail Silicon Graphics) utilisant la lourde technologie Nurbs. Au début, il était prévu de faire des sprites prérendus pour tous les personnages (on passerait plus tard avec des polygones temps réel) pour que Iwan Scheer fasse des animations et rendus dans Alias Power Animator.

À la fin, je garderais les modèles nurbs pour créer des rendus haute-résolution pour le marketing.

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Un voyageur représentant une version nurbs de Kroax, le général des soldats talan.

II-D. Appeal

Quand le prototype marchait et tournait, nous commençâmes à chercher un partenaire pour la distribution et l'apport des fonds nécessaires à la réalisation du jeu complet.

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Le premier dans notre liste était Ubisoft, donc nous sommes allés à Paris et nous avons présenté nos concepts et notre prototype. Ils n'étaient pas intéressés.

Le suivant était Infogrames à Lyon. Infogrames a été très brillant avec leur jeu Alone in the Dark et nous recherchions un nouveau projet dirigé par la technologie pour les aider à poursuivre leur extension.

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Nous avons rencontré Eric Mottet qui était très impressionné et supporteur de notre technologie et qui la communiqua directement à Bruno Bonnell, CEO d'Infogrames. Quelques jours plus tard, nous signâmes un accord pour le rachat de tous les prototypes produits par Art & Magic, la plupart des parts de Thèmes et pour la publication et la distribution mondiale du jeu.

Avant de retourner à la maison, Bruno Bonnel nous donna un chèque de 150 000 euros, qu'il signa dans le coin de la table, pour préparer notre nouveau lieu de travail et commencer à travailler sur le jeu, « quelque chose qui n'avait jamais été fait auparavant » nous dit-il avec le sourire. Suite à ce financement du projet, Bruno a été récompensé avec son nom figurant en première position dans les crédits. À la fin, le budget total s'élèverait à 1,5 million d'euros. Pas beaucoup par rapport aux standards actuels.

Nous avons alors déménagé dans un agréable et spacieux immeuble de trois étages et commencé à embaucher de nouvelles personnes pour le projet. Nous avions convenu avec la société Art & Magic de ne pas embaucher ses employés la première année. Je pense que l'année suivante, jour pour jour, à une époque où Art & Magic ne développait plus de jeux significatifs, quasiment tout son personnel nous rejoignit au sein de Appeal.

Photo de gauche : Yves (à gauche) et Yann (à droite) se réjouissant de leur nouveau bureau au troisième étage (vue de mon bureau). Photo de droite : Renaud (devant) travaillant sur des environnements et objets du jeu.

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Le développement du jeu ayant duré 4 années, beaucoup de personnes dans l'équipe arrivaient ou partaient, et il était difficile de prendre en photo l'équipe d'Outcast au complet. Ainsi voici une photo de l'équipe en début de projet et une autre à la fin.

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III. Le processus de développement

Nous avons créé deux départements : Programming et Art. Je dirigeais le département Art. Yves et Yann s'occupaient du département Programming. En y repensant, je trouve ça étrange, car à l'époque, il n'y avait pas de séparation claire entre le contenu du jeu et la technologie. À la place, Yves et moi gérions à deux les différents aspects de la technologie et du contenu.

Je vais évoquer ici en priorité les parties dont j'avais la charge, et je vais essayer de rester le plus concis possible en détaillant l'ensemble des différents processus, ce qui pourrait prendre un livre en entier.

III-A. Les environnements

Les environnements utilisaient deux pipelines graphiques. Pour la technologie du terrain, les tuiles étaient modélisées avec 3D Studio 4 (DOS) et vues de haut pour représenter les niveaux de profondeurs du terrain. Bien sûr, cette méthode permettait de ne seulement représenter que les surfaces convexes.

J'ai commencé par réaliser les tuiles du prototype de la carte de Shamazaar. Ensuite, Catherine Marechal, Veronique Leminiaux et Filip Camermans se sont occupés des tuiles du terrain.

Chaque tuile avait une texture de couleur, une texture de profondeur et une texture avec des codes de couleur spéciaux qui permettaient d'appliquer verticalement les textures sur des murs de voxel.

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Quand une surface concave ou une hauteur multiple étaient nécessaires (par exemple pour le toit d'un bâtiment, ou pour un pont au-dessus d'un Canyon) le moteur de polygone était là pour nous sauver. Les polygones étaient modélisés avec 3d Studio et texturisés avec Photoshop, principalement par Renaud Dauchel.

Il faut prendre en compte le fait que le moteur de polygone avait été écrit en ne partant de rien, car aucune accélération matérielle n'était vraiment disponible à l'époque où le projet avait commencé. Ainsi, toutes les routines jusqu'à la rastérisation ont été développées par notre équipe de développeurs. Contrairement à ce qu'on peut lire parfois sur Internet, aucun des polygones de Outcast ne reçoit d'accélération matérielle.

Un de nos logiciels appelé Deus permettait l'édition de monde en plaçant d'abord les tuiles de voxels puis les polygones par-dessus. Les objets à ramasser et autres informations de jeu telles que les données de chemin ou de collision étaient aussi placées en utilisant l'éditeur.

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Deus était l'éditeur de monde d'Outcast. Vous pouvez voir sur l'image Shamazaar avec une version jeune du temple Fae.

III-B. Les images de fond

J'ai réalisé l'ensemble des images de fond en utilisant Photoshop. Elles ont toutes été dessinées à la main sans aucune photographie.

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III-C. Les personnages et créatures

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Le modèle polygonal temps réel Twon-Ha dans Alias Power Animator.

Nous utilisions Alias Power Animator pour modéliser et animer les personnages. La fonctionnalité pour faire des polygones était plutôt basique à l'époque et les stations de travail Indy que nous utilisions n'étaient pas en mesure de texturiser les polygones. Afin de créer des coordonnées UV pour le placage des textures, nous devions exporter les mailles dans une application externe appelée Skymap (développée par l'équipe R&D d'Infogrames).

Ces textures étaient dessinées en 3D avec 4D Paint (qui s'appelle maintenant Deep Paint 3D), l'un des premiers logiciels de dessins 3D (à l'époque où pratiquement tout le monde créait des textures en 2D avec Photoshop).

Une des nombreuses techniques avancées (à l'époque) que nous utilisions était le placage de relief pour les personnages. Un placage de relief séparé était dessiné, et conformément à la direction de la lumière, la texture de couleur était en relief pour créer des bosses et des plis, un effet non supporté par les cartes graphiques qui mettra des années avant de sortir.

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Le modèle est importé dans SkyMap pour le placage UV. Il était seulement possible d'avoir une île UV par texture, donc le modèle était découpé en plusieurs petites textures.

J'ai fait quasiment toutes les créatures non humanoïdes du jeu, incluant la modélisation, les textures et la plupart des animations.

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Une fois le UV placé, le modèle était dessiné en 3D avec 4dPaint. Dessiner en 3D était considéré comme très avancé à l'époque.

Dans l'une des premières versions du jeu, Outcast proposait un héros étrange avec un casque d'oiseau, appelé Stan Blaskowitz. J'ai fait la modélisation et texturisation de ce personnage en partant d'un design d'Iwan Scheer. Le distributeur décida que le design était trop étrange (quelqu'un connait Assassin's Creed ?) et une nouvelle version fut réalisée par Michael Defroyennes, à partir de nouveaux concepts d'Adam, qui travaillait sur les personnages humanoïdes. À ce moment donné, les personnes d'Infogrames chargées du marketing arrivèrent avec le nom Cutter Slade pour le personnage principal.

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Stan Blaskowitz qui fut remplacé par Cutter Stade.

Voici une galerie d'images de différents personnages sur lesquels j'ai travaillé :

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III-D. E3 1997-1999

En mai 1997, nous sommes allés à l'E3 à Atlanta pour présenter une première version non terminée du jeu dans une cabine privée à l'étage des éditeurs (qui n'est pas l'étage principal). C'était un aperçu brut avec les voix des personnages réalisées par l'équipe et un peu de musique temporaire. Mais il ne s'agissait que d'un stand où les gens passaient pour découvrir ce qu'était Outcast.

Ce que nous n'avions pas réalisé à l'époque, c'est qu'il allait nous falloir encore deux ans pour finir le jeu. Une bonne année et demie de plus que prévu initialement.

Nous étions alors à l'E3 en 1998 pour une autre présentation et de même en 1999, cette fois avec le jeu terminé. À ce moment, l'éditeur américain d'Infogrames était en restructuration (suite au rachat de GT Interactive) et les gens faisaient beaucoup d'efforts pour sauver leur derrière. Ils n'ont pas mis les ressources nécessaires pour supporter la sortie du jeu aux États-Unis. Nous avions travaillé pendant quatre ans et ils n'y prêtaient pas beaucoup d'attention. Pas besoin de se demander pourquoi ils ont fait faillite s'ils ne pouvaient même pas s'occuper de leurs propres titres.

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III-E. De VGA à SVGA

Pendant les quatre années consacrées au développement de Outcast, les technologies graphiques évoluèrent énormément. Quand nous avions commencé le jeu en 1995, nous étions dans l'air VGA, avec une résolution de 320x200 pixels 8 bits (256 couleurs), ce qui était la norme. Notre moteur de rendu été développé autour de ce mode, et il était utilisé comme ça dans notre titre précédent, No Respect.

Vous pouvez voir ci-dessous des images d'une version VGA du jeu, avec Stan comme personnage principal.

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Pendant le développement, cependant, nous passâmes à la norme SVGA, offrant une meilleure résolution et des couleurs 24 bits. Cela nécessitait des ajustements dans le moteur de rendu voxel pour permettre l'interpolation de couleurs pour avoir des rendus de dégradés lisses. Cependant, le moteur de rendu de polygones resta avec un échantillonnage par point, car le filtrage bilinéaire était trop coûteux dans le logiciel.

Plus tard, avec la sortie du jeu reculée de plus en plus, nous réalisâmes que l'accélération graphique de polygone 3D deviendrait largement disponible. La complexité de notre environnement de voxel n'était pas réalisable à l'époque en utilisant des polygones 3D, et nous devions également rester avec des logiciels de rendu. Nous espérions que les gens ignoreraient cette faiblesse technique et prendraient simplement plaisir à jouer au jeu pour ce qu'il était.

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III-F. Les effets spéciaux

Nous développions intégralement le jeu et cela signifiait que nous pouvions maintenant programmer des effets qui n'étaient pas disponibles avec les cartes 3D. Par exemple, nous avons lancé le placage de relief, l'antialiasing entre les pixels et même la profondeur de champ. Nous avons dû attendre plus de cinq années pour obtenir le premier effet de « Pixel shader » programmable et commencer à le faire dans une carte 3D. Le calcul des ombres en temps réel (en utilisant la rétroprojection dans l'espace écran) pour tous les personnages était aussi quelque chose de spécial, sans mentionner quelques effets interactifs avec l'eau. Tous ces effets étaient intelligemment programmés par Yann Robert et Gil Damoiseaux.

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IV. Outcast: la partition symphonique

On ne peut pas dénier que la musique dans Outcast est quelque chose de spécial.

Étant un fan de John Williams, Atan Silvestri et d'autre Dany Elfman, je voulais une musique symphonique dès le début du jeu. En conséquence, nous avions très bien planifié le budget en avance et cela fut rapidement accepté par Infogrames dès le début du projet.

En 1996, j'ai écrit une publicité dans différents magazines de musique de film, indiquant que nous recherchions un compositeur pour notre jeu. J'ai alors reçu beaucoup d'échantillons de démonstration, et l'un en particulier attira mon attention. Il venait de Lennie Moore, un compositeur habitant à Los Angeles, qui avait précédemment travaillé avec le Moscow Symphony Orchestra.

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Lennie Moore, moi et William Stomberg, en face de la cathédrale de Saint Basil près de la Place Rouge à Moscou.

Sa musique n'était pas seulement fantastique, il était également l'un des très rares qui avaient toutes les qualités pour prendre en main le processus de production du début à la fin et il avait de l'expérience pour travailler dans un orchestre complet.

Il vint dans notre bureau et nous lui présentâmes le monde et l'histoire de Outcast. Lennie comprenait très vite notre vision et il retourna chez lui pour commencer à travailler sur les premiers morceaux de musique, faits dans un premier temps au format MIDI pour une première validation. C'était l'époque où naissait doucement Internet et il en profitait pour m'envoyer à distance ses fichiers mp3 (probablement parmi les premiers à circuler sur Internet) à valider.

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Nous avons dormi dans un hôtel ukrainien pendant la semaine d'enregistrement, le même hôtel où le film « The Saint » avec Val Kilmer était tourné.

Ce qui m'impressionne encore aujourd'hui, c'est la fidélité entre les premières versions MIDI et les versions orchestrales finales. Écoutez les échantillons suivants pour voir.

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  • Version MIDI :
  • Version orchestrale :

Durant l'été 1997, nous sommes allés à Moscou pour enregistrer les musiques. Une semaine entière a été planifiée pour l'enregistrement, trois jours avec les 81 pièces de l'orchestre et deux autres jours avec les 24 choristes en plus. L'orchestre a été conduit par William Stomberg, un ami de longue date de Lennie et je dois dire que d'être devant un orchestre jouant les musiques de votre jeu fut une expérience unique.

Quelques instruments exotiques tels que les partitions des percussions des duduk et des tabla ont été enregistrés à Los Angeles (en utilisant les fichiers MIDI comme références) et les musiciens de l'orchestre devaient jouer tout en entendant les autres instruments dans leurs écouteurs.

Écoutez cette version de la musique d'Okaar avec les instruments exotiques en live jouant par dessus l'orchestration en MIDI :

  • Version MIDI :
  • Version orchestrale :

Les pistes ont alors été commercialisées (principalement) pour contribuer au marketing du jeu. Vous pouvez lire la remarquable interviewoù Lennie parle de son expérience réalisant la musique de Outcast et d'autres titres également.

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Voici quelques images prises pendant les sessions d'enregistrement (vous pouvez voir l'orchestre jouant dans la vidéo du making of au-dessous) :

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J'ai fait tous les effets sonores du jeu dans mon petit studio maison. Pour les contenus originaux, j'ai utilisé la classique bibliothèque Hollywood Edge ainsi que quelques sons supplémentaires enregistrés dans mon studio. Ensuite, je rassemblais et mixais ces morceaux avec Cubase et SoundForge.

J'ai aussi fait la musique de danse marrante que vous pouvez entendre à la fin du jeu (Ulukai Dance). Contrairement à ce qui est écrit dans la notice du CD, ce n'est pas Lennie qui est devenu fou, c'est juste moi. À la base, il s'agissait d'une blague, où j'avais foiré avec quelques dialogues du jeu, et finalement ça s'est terminé sur le CD. C'est loin d'être une grande composition, mais on s'est bien amusé néanmoins.

N'hésitez pas à aller jeter un œil dans la section pour récupérer des musiques exclusives, jamais sorties avant le jeu !

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V. En avance par rapport à son époque

Pour beaucoup, Outcast est vu comme bien en avance par rapport à son époque. Son monde est ouvert, sa musique orchestrale est remarquable, le scénario est captivant, il y a de l'aventure et de l'action, les dialogues sont de très bonne qualité et sont accompagnés de voix, et l'eau est interactive…

Voici ce qu'a écrit GameRadar à propos du jeu :

« Okay, donc le nom du héros est stupide et l'intrigue a l'air de ressembler à Stargate, mais faites-nous confiance, ce jeu d'aventure et d'action était révolutionnaire. Vous pouviez librement explorer les villes, montagnes, et forêts du monde ouvert (deux années avant GTA III). Vous pouviez commander des véhicules extraterrestres - dans ce cas, des créatures ressemblant à des dinosaures - pour vous déplacer plus rapidement (deux ans avant Halo). Vous pouviez choisir les missions dans l'ordre qui convenait à votre style de jeux (neuf années avant Fallout 3). »

Donc, que vous aimiez ou détestiez ce jeu, Outcast est au moins quelque chose de spécial. Pour moi, Outcast est un jeu fait avec passion, sans contraintes de respecter un genre particulier, ou de faire plaisir à un groupe particulier de personnes. Nous avons juste fait le jeu que nous voulions faire, et c'est tout. Il reste dans mon cœur l'un des projets dont je suis le plus fier, avec Agony et Unreal.

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