Microsoft a annoncé son offre de rachat d'Activision en janvier de l'année dernière, la plus importante de son histoire, afin d'affronter les leaders Tencent et Sony sur le marché en plein essor des jeux vidéo et de s'aventurer dans le métavers. Parmi les titres à succès d’Activision, nous pouvons citer World of Warcraft, Hearthstone ou encore Candy Crush.
L'autorité britannique de la concurrence et des marchés (CMA) n'a pas hésité à exposer ses craintes selon lesquelles l'achat prévu d'Activision Blizzard par Microsoft réduise sensiblement la concurrence dans le domaine des consoles de jeux, des services d'abonnement multi-jeux et des services de jeux en cloud (streaming de jeux). L’annonce publiée par la CMA a fait état de préoccupations concernant « la concurrence dans les consoles de jeux, les services d'abonnement multi-jeux et les services de jeux dans le cloud (streaming de jeux) ».
La CMA a également reçu des éléments de preuve concernant l'impact potentiel de la combinaison d'Activision Blizzard avec l'écosystème plus large de Microsoft. Microsoft dispose déjà d'une console de jeu de premier plan (Xbox), d'une plateforme de cloud computing de premier plan (Azure) et du premier système d'exploitation pour PC (Windows OS), autant d'éléments qui pourraient être importants pour sa réussite dans le domaine des jeux en cloud.
Tout cela a conduit le gendarme britannique a lancée une enquête approfondie de phase 2. Après plusieurs mois d'échanges et de négociations, la conclusion a été publiée mercredi 26 avril 2023 : le rachat sera bloqué car Microsoft ne répond pas efficacement à ses préoccupations quant à son impact sur le marché naissant du cloud gaming, qui permet aux utilisateurs de diffuser des jeux vidéo stockés sur des serveurs distants vers leurs appareils.
La position européenne est différente, bien que la CMA et la CE se sont concentrées toutes deux sur le cloud gaming
La CMA et la Commission européenne se sont toutes deux concentrées sur le cloud gaming, mais la Commission a accepté les concessions de Microsoft.
Afin de remédier aux problèmes de concurrence soulevés par la Commission sur le marché de la distribution des jeux pour PC et consoles par les services de streaming de jeux sur le cloud, Microsoft a proposé les engagements globaux suivants en matière de licences, pour une durée de 10 ans:
- une licence gratuite accordée aux consommateurs de l'EEE, leur permettant de diffuser en streaming, en utilisant le service de streaming de jeux en nuage de leur choix, tous les jeux actuels et futurs d'Activision Blizzard pour PC et pour consoles pour lesquels ils disposent d'une licence;
- une licence gratuite correspondante accordée aux fournisseurs de services de streaming de jeux en nuage, afin de permettre aux joueurs basés dans l'EEE de diffuser en streaming tous les jeux d'Activision Blizzard pour PC et pour consoles.
Aujourd'hui, Activision Blizzard ne concède pas de licence sur ses jeux aux services de streaming de jeux en nuage, et elle ne les diffuse pas non plus elle-même en streaming. La Commission estime que ces licences garantiront que les joueurs qui ont acheté un ou plusieurs jeux d'Activision dans une boutique pour PC ou pour consoles, ou qui ont souscrit à un service d'abonnement multi-jeux incluant des jeux d'Activision, auront le droit de diffuser ces jeux en utilisant le service de streaming de jeux en nuage de leur choix et de jouer sur tout appareil, peu importe le système d'exploitation utilisé. Elle indique également que les mesures correctives garantissent également que les jeux d'Activision disponibles pour le streaming auront la même qualité et le même contenu que les jeux disponibles au téléchargement traditionnel.
Une décision qui encourage Microsoft à faire appel
Le PDG d’Activision, Bobby Kotick, a déclaré que l’UE avait « mené un processus extrêmement approfondi et délibéré pour acquérir une compréhension complète du jeu ».
En annonçant la décision de la CMA en avril, Martin Coleman, le président du panel indépendant d’experts menant l’enquête, avait déclaré : « Microsoft bénéficie déjà d’une position puissante et d’une longueur d’avance sur les autres concurrents dans le cloud gaming et cet accord renforcerait cet avantage, lui donnant la possibilité de saper les nouveaux concurrents innovants ».
Gareth Mills, associé du cabinet d’avocats britannique Charles Russell Speechlys, a déclaré que l’appel montrait que Microsoft était « prêt à utiliser ses ressources considérables pour tester la volonté de la CMA de se tenir derrière sa décision précédente ». Il a ajouté : « L’approbation de l’acquisition d’Activision par l’UE (moyennant certaines conditions) peut donner aux deux parties l’occasion de trouver une troisième voie, bien que cela représenterait un changement considérable de ton et d’attitude par rapport à ceux actuellement exprimés ».
Microsoft a déclaré que la décision de la CMA « décourage l’innovation et l’investissement technologiques » au Royaume-Uni. Activision avait affirmé le mois dernier que la décision de la CMA était un signe que le Royaume-Uni était « clairement fermé aux affaires ».
Les experts juridiques ont estimé que la décision de la CMA avait porté un coup potentiellement fatal à l’opération, qui avait été approuvée par l’UE ce mois-ci.
Microsoft espère que son acquisition d’Activision Blizzard lui permettra de renforcer sa position sur le marché du jeu vidéo, en particulier face à son rival Sony, qui domine le secteur des consoles avec sa PlayStation. Activision Blizzard est l’un des plus grands éditeurs de jeux au monde, avec des franchises populaires telles que Diablo, Overwatch et StarCraft.
L’accord a également suscité des critiques de la part de certains employés et fans d’Activision Blizzard, qui ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’impact potentiel sur la culture et la créativité de l’entreprise. Activision Blizzard fait actuellement l’objet d’une enquête du département du Travail des États-Unis pour des allégations de harcèlement et de discrimination envers les femmes.
Microsoft estime que cette décision va nuire au secteur technologique du Royaume-Uni sur le long terme
S'exprimant dans le cadre de l'émission Wake Up To Money de la BBC, M. Smith s'est retenu de dire que Microsoft allait réduire ses investissements au Royaume-Uni, mais il a admis que la confiance de l'entreprise était ébranlée. Microsoft est une entreprise majeure qui opère au Royaume-Uni et, en ce qui concerne les jeux vidéo, elle exploite un certain nombre de studios britanniques, dont Rare, Playground Games et Ninja Theory.
« Je pense que c'est mauvais pour la Grande-Bretagne », a déclaré Smith. « Les milieux d'affaires, les investisseurs et le secteur technologique du monde entier ont suivi cette affaire. Et le message fort que la CMA a envoyé n'est pas seulement de surprendre tous ceux qui s'attendaient à ce que cette acquisition soit approuvée, mais d'envoyer un message qui découragera l'innovation et l'investissement au Royaume-Uni. Et je pense qu'en ce sens, l'impact de cette décision est bien plus large que celui de Microsoft ou de cette seule acquisition ».
Il a ajouté : « Microsoft est présent au Royaume-Uni depuis 40 ans et nous jouons un rôle vital, non seulement en soutenant les entreprises et les organisations à but non lucratif, mais aussi en défendant la nation contre les menaces de cybersécurité. Mais je dois dire que cette décision est probablement le jour le plus sombre de nos quatre décennies de présence en Grande-Bretagne. Elle ne fait qu'ébranler notre confiance dans l'avenir de l'opportunité de développer une entreprise technologique en Grande-Bretagne, comme nous n'y avons jamais été confrontés auparavant ».
« Les gens sont choqués, les gens sont déçus et la confiance des gens dans la technologie au Royaume-Uni a été gravement ébranlée. Il y a un message clair ici - l'Union européenne est un endroit plus attrayant pour démarrer une entreprise que le Royaume-Uni ».
Conclusion
L’issue de l’appel de Microsoft dépendra en grande partie de la façon dont le CAT évaluera les arguments de la CMA et de Microsoft concernant le marché du cloud gaming. La CMA a estimé que le cloud gaming était un marché distinct du jeu sur console et sur PC, et qu’il était susceptible de croître rapidement dans les années à venir. Microsoft a contesté cette analyse, affirmant que le cloud gaming était encore à ses balbutiements et qu’il faisait partie d’un marché plus large du jeu vidéo.
Le CAT devra également examiner si les concessions offertes par Microsoft à la Commission européenne sont suffisantes pour dissiper les préoccupations concurrentielles au Royaume-Uni. Microsoft a proposé de permettre aux utilisateurs européens d’Activision Blizzard de diffuser leurs jeux sur d’autres services de cloud gaming pendant 10 ans, mais la CMA a jugé cette offre insuffisante.
Selon certains experts juridiques, le CAT pourrait renvoyer l’affaire à la CMA pour un nouvel examen, ce qui retarderait encore davantage l’opération. Il pourrait également confirmer la décision de la CMA, ce qui obligerait Microsoft à abandonner l’accord ou à le modifier de manière significative. Il existe également une possibilité que le CAT annule la décision de la CMA et autorise l’accord sans conditions.
Quelle que soit l’issue de l’appel, il s’agit d’un cas important qui pourrait avoir des implications pour l’avenir du secteur du jeu vidéo et pour le rôle du Royaume-Uni en tant que destination pour les investissements technologiques.
Source : appel de Microsoft
Et vous ?
Que pensez-vous de la décision de la CMA de bloquer l’accord entre Microsoft et Activision Blizzard?
Êtes-vous un utilisateur du cloud gaming? Si oui, quel service utilisez-vous et pourquoi?
Quel est votre jeu préféré d’Activision Blizzard? Pensez-vous que Microsoft pourrait l’améliorer ou le gâcher?
Croyez-vous que le Royaume-Uni est fermé aux affaires comme l’a affirmé Activision? Quelles sont les conséquences pour le secteur technologique britannique?
Qu’attendez-vous du verdict du CAT sur l’appel de Microsoft? Pensez-vous qu’il y a une chance que l’accord soit approuvé?