Samedi, l’organisation a fait une mise à de sa Classification internationale des maladies (CIM) dans laquelle le "trouble du jeu" est officiellement adopté dans sa liste de maladies modernes.
Rappelons qu’en juin dernier, l’organisation a ajouté la dépendance au jeu dans sa section de comportements potentiellement dangereux liés à la technologie, notamment une utilisation excessive d’Internet, des ordinateurs, des smartphones, etc.
Pour déclarer qu’un joueur présente un trouble au jeu vidéo, l’OMS s’appuie sur les critères suivants :
- Premièrement le joueur accro aux jeux vidéo n’arrive plus à trouver un équilibre dans ses activités au point que les sessions de jeu prennent le pas sur les autres activités ;
- Ensuite, le joueur n’arrive plus à se défaire du jeu en sorte que « même quand les conséquences négatives surviennent, le comportement continue ou s’intensifie » ;
- Enfin, ce trouble provoque une détresse accrue et une détérioration des fonctions que ça soit au niveau personnel, familial, social, éducationnel ou professionnel. Cela peut se traduire par exemple par troubles du sommeil, un déséquilibre émotionnel et une déficience des activités physiques.
Malgré le fait que ces signes peuvent être détectés chez certains joueurs, il faut ajouter également le fait qu’ils doivent persistants sur au moins 12 mois, souligne l’organisme. « Il ne doit pas juste être un épisode de quelques heures ou quelques jours », a déclaré Dr Vladimir Poznyak, membre du Département de Santé mentale et de Toxicomanie de l’OMS. Par ailleurs, même si tous ces critères ne sont pas réunis chez un joueur, un joueur peut être déclaré comme souffrant de ce trouble si certains symptômes sont assez sévères.
L'Organisation mondiale de la santé avait fait part de son intention d'ajouter le trouble du jeu vidéo dans sa nouvelle Classification internationale des maladies (CIM-11) dès janvier 2018. Elle devait encore être présentée et validée par l’Assemblée mondiale de la Santé pour être adoptée par les États membres. C'est désormais officiellement le cas (sous la référence 6C51 pour les jeux vidéo) avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2022.
Plusieurs experts se sont insurgés contre la décision de l'OMS
Bien que de nombreuses personnes, y compris des parents, ont accueilli avec joie cette décision qui pourrait donner des solutions concrètes à leurs proches ou leurs enfants présentant les signes décrits, de nombreuses voix se sont élevées pour exprimer leur désaccord face à la décision de l’OMS d’inclure le « trouble du jeu vidéo » dans le lot des pathologies. Parmi les opposants à la décision de l’OMS, nous avons le Dr Peter Etchells, conférencier en psychologie biologique, qui estime que cette décision risque de « classer dans la catégorie des pathologies » un comportement qui était inoffensif pour la plupart des gens. Il ajoute que « il y a des études sur l’addiction au bronzage, la dépendance à la danse, la dépendance à l’exercice, mais personne n'en discute pour les inclure dans la CIM 11 [Classification internationale des maladies]. Ce que l’on [OMS] fait, c’est un diagnostic excessif, qui revient en quelque sorte à classer comme pathologie un comportement qui, pour beaucoup, n’est nocif d’aucune façon ».
À côté du Dr Peter Etchells, plusieurs autres experts se sont également exprimés en défaveur de l’OMS. S’exprimant au Science Media Center de Londres, ces derniers auraient déclaré que bien que la décision soit bien intentionnée, il y avait un manque de preuves scientifiques de bonne qualité sur la façon de diagnostiquer correctement la dépendance au jeu vidéo. Ainsi, ceux-ci seraient sceptiques sur le fait que le temps passé devant un écran — qui comprend également l’utilisation de smartphones et de tablettes — serait nocif pour les enfants et les adolescents, comme l’ont suggéré certaines études.
Pour Dr Etchells et Andy Przybylski, professeur agrégé et directeur de la recherche à Oxford Internet Institute, University of Oxford, les enquêtes tendant à prouver qu’il existe un lien entre l’utilisation des appareils et les effets négatifs sur la santé ne montrent généralement que de faibles associations entre l’utilisation de l’écran et la santé. Przybylski a ajouté qu’environ 99 % du bien-être d’un enfant pourrait être attribué à des facteurs sans rapport avec le temps passé devant un écran.
En dépit de l'opposition de groupes commerciaux, qui auraient évoqué des recherches contradictoires sur le sujet et vanté certaines des vertus des jeux vidéo, le dernier CID a été officiellement approuvé à la 72ème Assemblée mondiale de la santé.
« Trouble du jeu » est désormais dans la section « Troubles dus à un comportement provoquant une dépendance » de la CIM. Il est décrit comme « un comportement lié à la pratique des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables ».
« Des études montrent que le trouble du jeu vidéo ne touche qu’une petite partie des personnes qui utilisent des jeux numériques ou des jeux vidéo. Néanmoins, tout joueur doit être attentif au temps passé sur les jeux, en particulier si ses activités quotidiennes en pâtissent », ajoute l'OMS.
De son côté, l'Entertainment Software Association (ESA) fait part de son mécontentement et demande à l'OMS de revenir sur sa décision. « Le "trouble du jeu" n'est pas basé sur des preuves suffisamment solides pour justifier son inclusion dans l'un des plus importants outils d'établissement de normes de l'OMS », affirme-t-elle.
Source : OMS (1, 2), ESA
Et vous ?
Certains des dangers de la dépendance au jeu (par exemple sur smartphone) incluent l'isolement social, une mauvaise alimentation. Mais peut-on vraiment parler de trouble du jeu ?
Que pensez-vous de cette décision de l'OMS ? Estimez-vous quelle est pertinente ou pas ?
Avez-vous des expériences (vécues ou non) à partager dans ce domaine pouvant conforter (ou non) le choix de classer la dépendance aux jeux vidéo dans la liste des maladies modernes ?
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