Le « ;crunch ;» est un terme propre à l’industrie du jeu vidéo qui fait référence à l’exploitation des employés impliqués dans la production de jeux. Le site Web Polygon s’est penché sur cette pratique qui contribue à l’enrichissement et au succès des maisons d’édition, mais tue aussi « ;à petit feu ;» les développeurs qui sont la base de cette réussite. L’enquête du site s’est notamment intéressée aux conditions de travail auxquelles sont soumis les développeurs travaillant pour des éditeurs de renom comme Epic Games, qui a produit Fornite, ou NetherRealm, qui a produit les jeux de la série Mortal Kombat.
Certains témoignages recueillis par Polygone dressent un tableau sombre de l’industrie du jeu vidéo et pointent du doigt les grandes maisons d’édition qui sont derrière les plus gros titres de l’industrie du jeu vidéo et qui, pour répondre aux attentes de leur clientèle cible, essayent de tirer le maximum, parfois trop, de leurs employés.
« ;Nous travaillons de cinquante à soixante heures par semaine, parfois soixante-dix ;», a confié un ancien employé de Fornite à Polygone, précisant que « ;si, au bout de huit heures de travail, je me tournais vers mon supérieur pour lui demander si je pouvais partir, il me regardait comme si j’étais stupide ;». Des personnes interrogées par Polygon ont également affirmé que dans ces conditions « ;prendre un week-end est une grande victoire ;». D’autres ont vu des collègues, d’abord patients, s’énerver progressivement à force de travailler autant : « ;Un jour, ils se sont levés, sont sortis, et on ne les a jamais revus ;». Mais personne par peur d’être mal vu ou mis à la porte.
« ;J’ai “crunché” pendant quatre mois d’affilée, à raison de 90 à 100 heures par semaine ;», a confié un ancien employé de NetherRealm au site spécialisé PC Gamer. Un autre a témoigné : « ;j’ai pris un seul jour de repos entre le 1er janvier et le jour où le premier patch a été approuvé. C’était un dimanche, et c’était mon anniversaire, alors on m’a laissé rester chez moi, à condition de rester joignable. J’ai également pu aller au mariage d’un ami un samedi soir, après une journée de huit heures de travail, à condition bien sûr de rester joignable ;».
D’une manière générale, les employés victimes se plaignent de « ;n’avoir aucune vie ;» pendant les périodes de crunch. Certains ne peuvent même pas rentrer chez eux et sont obligés de dormir sur leur lieu de travail. Ces efforts leur sont imposés par la direction à cause des promesses marketing, tout en sachant que ce rythme infernal n’est pas forcément propice à leur épanouissement, ne serait-ce que sur le plan social. Pour ne rien arranger, une autre source a expliqué connaître des gens qui ont refusé de sacrifier leurs week-ends pour la société et qui à cause de ça ont été renvoyés, sous prétexte qu’ils n’avaient pas atteint leurs objectifs.
D’après les éditeurs de jeux, le succès rapide et inattendu de certains leurs titres les oblige à mettre les bouchées doubles pour sortir des patchs, des mises à jour ou simplement respecter les délais de sortie afin de capitaliser sur ce succès surprise. Epic Games insiste d’ailleurs sur le fait que « ;trouver et embaucher des employés hautement qualifiés ;» prend du temps.
À ce propos, un employé du service client d’Epic Games a expliqué être « ;passé de vingt à quarante tickets [plaintes de joueurs] quotidiens à 3000 ;». Comme il l’a décrit lui-même, « ;c’est arrivé si vite. Un jour, nous n’étions que quelques employés. Le lendemain, on nous a dit : “En fait, sur ce créneau, vous allez travailler avec une cinquantaine de recrues qui n’ont absolument aucune formation” ;».
Epic Games affirme par ailleurs avoir mis en place une chartre pour faire comprendre à ses recrues que les heures supplémentaires ne sont pas une obligation. Mais comme une source de Polygon l’a précisé, « ;les plus jeunes sont particulièrement vulnérables ;». Ils se disent : « ;je veux aller de l’avant et être promu ;». La concurrence est très forte, ils sont ambitieux et ils pensent que c’est bien de travailler 100 heures par semaine.
De nombreuses sources ont déclaré à Polygon qu’Epic gérait assez bien sa culture de travail avant le succès de son titre Fortnite : « ;Nous effectuons des heures supplémentaires lorsque cela s’avérait nécessaire. Malgré tout, nous avions toujours suffisamment de temps pour nous préparer au crunch, et surtout ce n’était pas obligatoire. Mais au fur et à mesure que Fortnite Battle Royale devenait populaire, l’obligation de mettre en place une fonctionnalité sans préavis et de faire en sorte que les gens restent jusqu’à ce que cette fonctionnalité soit prête se renforçait. Nous sommes passés d’un mois de préparation à une journée, parfois même moins ;».
Devrait-on en conclure comme le laissait entendre un spécialiste que « l’exploitation des travailleurs a toujours fait partie de l’ADN de l’industrie du jeu vidéo. Les cadres dont les actions se chiffrent à plusieurs millions de dollars traitent souvent leurs employés comme des pièces de Tetris, à positionner le plus efficacement possible, puis les éliminer rapidement » ?
Source : Polygon, PCGamer
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